Crises de confiance ?
La confiance est la vertu élémentaire de toute vie sociale. Sans confiance, les conduites des autres seraient imprévisibles et dangereuses, alors que la confiance permet d’anticiper les actions et les réactions de nos semblables. La confiance est réciproque ; nous avons confiance dans les autres parce qu’ils ont confiance en nous et que leur confiance nous lie à eux. La confiance étend les relations dans le temps des engagements, des promesses et des paroles tenues. La confiance dit ce que nous devons aux autres et ce que nous pouvons en attendre. C’est par la confiance que la vie sociale se déroule de manière généralement fluide et pacifique, sans que nous ayons à recourir sans cesse aux armes et aux tribunaux. Cette confiance de base va sans dire.
Pourtant, l’établissement de la confiance repose sur des dispositifs culturels, sociaux et institutionnels. Nous avons confiance dans des professionnels, comme les médecins ou les pilotes, parce que nous avons confiance dans des institutions médicales et techniques et, plus largement, dans la science et dans les déontologies professionnelles. Nous avons confiance dans les techniques et dans la science, parce que nous en voyons des effets pratiques, mais aussi parce que nous avons confiance en la Raison. Nous avons confiance dans la monnaie tant que les dettes sont remboursées, que l’inflation est modérée et qu’il n’y pas de crise aiguë. Nous avons confiance dans les institutions démocratiques parce que nous adhérons à des procédures et à des valeurs particulières. Nous avons confiance parce que nous savons que la loi oblige à tenir ses engagements sans qu’il soit toujours nécessaire de porter plainte. Nous avons confiance dans ceux que nous ne connaissons pas parce que nous supposons qu’ils croient aux mêmes normes, aux mêmes valeurs, et que nous sommes liés dès lors par un contrat de confiance implicite. En définitive, bien que la confiance semble être une attitude spontanée, elle est établie par l’emboîtement de dispositifs institutionnels, culturels, économiques, juridiques, politiques, techniques et, souvent même, imaginaires et religieux.