Une plongée éblouissante dans le monde des « HLM à plat » qui transforme en profondeur notre pays.
Formidable livre que celui d’Anne Lambert, consacré à ceux de nos concitoyens qui ont choisi – le mot est-il le bon ? – de vivre en lotissement. Cette enquête fouillée, étayée notamment par de nombreux témoignages d’habitants, montre à quel point ce mode d’accession à la propriété des classes essentiellement populaires a restructuré notre pays, sa géographie, la relation au travail, voire la vie de couple. Extraits.
Le pourquoi : « Les difficultés croissantes d’accès à la propriété des classes populaires et la spécialisation sociale des espaces périurbains reflètent certaines évolutions structurelles de la société française : baisse du pouvoir solvabilisateur des aides d’Etat, pression foncière croissante dans les centres urbains, précarisation des conditions d’emploi sur le marché du travail. Pour les natifs comme pour les ménages d’origine étrangère, les espaces périurbains constituent des territoires plus propices au déploiement de leurs stratégies résidentielles, alors que les prix de l’ancien s’envolent, que les files d’attente pour les secteurs les plus valorisés du parc HLM sont longues et que les pratiques discriminatoires y sont fréquentes. »
Le comment : « Les acheteurs potentiels au budget limité font preuve d’une extrême prudence vis-à-vis de l’endettement immobilier ; ils sont loin de l’image des ménages prêts à s’endetter à tout prix. De l’autre côté, leurs choix résidentiels se portent rarement d’emblée vers les petites maisons de lotissements périurbains. Ce sont les vendeurs, qui agissent pour le compte d’un fournisseur (de maisons, de terrains, de crédits), auprès de clients (les ménages), qui exercent une influence déterminante dans la nature et la forme du projet immobilier. D’un côté, leur proximité sociale avec les clients favorise différentes formes de projection à même de rassurer les clients sur la viabilité économique de leur projet. De l’autre, leurs compétences techniques et juridiques contribuent à produire un effet d’autorité sur les clients. »
Les conséquences : « Au quotidien, la polarisation des conflits de voisinage autour des » immigrés » rappelle toutefois que leur présence représente, aux yeux de certains voisins, un risque de dévalorisation statutaire et une menace financière sur leur nouveau patrimoine immobilier. Les conflits de voisinage mobilisent un référentiel racial qui ne recoupe que très imparfaitement les lignes de fractures sociales. Dans certains cas, racialisation rime alors avec racisme. »
Article de Daniel Fortin
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Tous propriétaires ! L’envers du décor pavillonnaire. (Par Anne Lambert, Seuil, 280 pages, 20 euros.)